Arche de l'ancien pont installée au Parc Saint-Crépin

 

L’architecte qui s’était chargé de la construction ne tarda pas à se voir arrêté par les difficultés de l’entreprise. Ne sachant plus comment s’y prendre, il fit un pacte avec le Diable. Celui-ci consentit à faire sa besogne, mais sous la condition que le pont une fois terminé, tout treizième individu qui passerait dessus lui appartiendrait. Dès le lendemain le pont était fini. Tout aussitôt le Diable se mit à prélever son droit, et chaque homme, femme ou enfant qui le traversait à la suite de douze autres était enlevé et disparaissait. Heureusement pour Soissons que cet impôt gênait Saint Vaast, évêque d’Arras, qui vint visiter la ville à cette époque.

Il ne tarda pas à être instruit de la terrible convention et tout aussitôt résolut de ravir au démon sa proie quotidienne. A son tour il se dirigea vers le pont à la tête du clergé. Devant lui marchent douze enfants de chœur, et il s’avance, prêt à combattre. A peine a-t-il fait quelques pas sur le pont qu’il aperçoit de l’autre côté, les deux cornes énormes sortant de dessous terre ; au fur et à mesure qu’il avance, le Diable, entièrement sorti, veut se jeter sur lui. Mais le prélat lui jette son étole pour le maîtriser. Il le conduit ainsi en laisse, vaincu et soumis, jusqu’à une haute tour voisine où il l’enferme, avec défense d’en sortir avant un an, et seulement par la lucarne du haut de l’escalier. Or cet escalier n’avait pas moins de 365 marches ; Saint Vaast lui commande encore de n’en pas gravir plus d’une par jour. Dès lors, les habitants purent passer sur le pont sans crainte d’être enlevés. Mais le 364e jour on se rappela que le Diable allait recouvrer sa liberté, n’ayant plus pour cela qu’une marche à franchir, et qu’alors il recommencerait à prélever sa terrible dîme. Aussitôt Saint Vaast accourt de nouveau, force par ses exorcismes le Diable à redescendre toutes les marches, pour ne plus les remonter encore qu’une à une ; et ce sont ces exorcismes que renouvelait chaque année le clergé.

L’aspersion de la Tour du Diable dura jusqu’en 1755.

 
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