L’ennemi avait enlevé d’une église de Reims un vase d’une grandeur et d’une beauté exceptionnelles, avec tous les autres ornements du ministère sacré. Saint Rémy envoya des messagers
à Clovis, demandant que s’il ne pouvait obtenir qu’on lui restitue les autres vases sacrés, qu’on lui rende au moins celui-là. A l’envoyé, le roi répondit : « Suis-nous jusqu’à Soissons, c’est
là que tout le bulletin sera partagé et quand ce vase me reviendra, je ferai ce que le père demande. » En arrivant à Soissons, Clovis fit déposer la charge du butin au milieu de ses soldats
et leur dit :
« Je vous prie, mes braves guerriers, de bien vouloir m’accorder hors part, le vase que voilà. » A ces paroles, les plus sensés répondirent : « Glorieux roi, tout ce que nous voyons ici est à
toi, et nous-mêmes nous sommes soumis à ton pouvoir ; qu’il soit donc fait selon ton jugement, car personne ne peut résister à ta puissance. » Comme ils avaient ainsi parlé, l’un des soldats,
léger, jaloux et emporté, éleva la voix, brandit sa hache à deux tranchants et frappa le vase en disant : « Tu n’auras rien que ce qui est et sera donné véritablement par le sort. » Tous restèrent
stupéfaits. Le roi comprima l’outrage avec une patiente douceur et le vase lui étant échu, il le rendit à l’envoyé de l’évêque, gardant la blessure cachée sans son cœur.
Un an s’étant passé, il fit assembler toute sa troupe en appareil militaire au Champ de Mars, chacun devant y montrer ses armes bien fourbies *.
Comme il s’apprêtait à faire le tour des rangs, il vint à celui qui avait frappé le vase et lui dit : « Personne n’a d’armes aussi mal tenues que les tiennes ; ta lance, ton épée, ta hache, rien
de tout cela n’est en état. »
Saisissant la hache, il la jeta à terre. Le soldat s’inclina pour la ramasser ; alors Clovis, levant la sienne à deux mains, la lui enfonça dans le crâne en disant : « Ainsi as-tu fait au vase de Soissons. »
Dans le récit transmis par Grégoire de Tours aucun nom n’est donné concernant l’évêque qui aurait réclamé à Clovis le fameux vase. On suppose seulement, d’après des textes datant du VIIe siècle,
qu’il s’agissait de Saint Rémi.